Vue d’ensemble et recommandations

Dans le contexte de la mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050 et des prochaines étapes de la politique climatique, le Conseil fédéral suisse a lancé en juillet 2012 les Programmes nationaux de recherche « Virage énergétique » (PNR 70) et « Gérer la consommation d’énergie » (PNR 71), et a confié leur réalisation au Fonds national suisse (FNS). L’objectif était notamment de jeter des bases dans la perspective du deuxième train de mesures de la Stratégie énergétique 2050. Tandis que le PNR 70 s’est plus particulièrement intéressé aux questions technologiques tout en tenant compte des aspects économiques, le PNR 71 a étudié plus spécifiquement la dimension sociale et réglementaire de la transformation du système énergétique. Les conclusions des deux Programmes nationaux de recherche sont réunies sous l’intitulé « Programme national de recherche Énergie » (PNR « Énergie »).

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Le PNR « Énergie » s’est entre autres appuyé sur le rapport de référence du 24 avril 2012 sur le plan d’action « Recherche énergétique suisse coordonnée » du gouvernement fédéral et sur le message correspondant. Ce document définit également les Swiss Competence Centers for Energy Research (SCCER), dont le but premier est le développement des capacités de recherche dans le domaine de l’énergie et qui traitent par conséquent de thématiques semblables à celles du PNR « Énergie ». Les deux initiatives de recherche sont toutefois rigoureusement complémentaires, de façon à éviter toute redondance.

L’enveloppe financière allouée au PNR 70 était de 37 millions de francs, celle du PNR 71 de huit millions de francs. En 2013, plus de 350 esquisses de projets ont été soumises. Sur la base d’un processus d’évaluation international à deux tours, les Comités de direction ont sélectionné 15 projets conjoints, comprenant en tout 62 sous-projets et sept projets individuels pour le PNR 70 ainsi que 19 projets individuels pour le PNR 71. La contribution attendue à la mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050 et la qualité scientifique étaient les critères d’évaluation prioritaires des projets. Aux 103 projets de recherche retenus se sont ajoutées au fil du programme quatre études complémentaires, dont les résultats pratiques comblent des lacunes thématiques dans le portefeuille de recherche du PNR « Énergie ».

Le présent résumé propose une vue d’ensemble des défis (chap. 2) engendrés par la transformation du système énergétique en Suisse. Il présente les champs d’action de la transformation et les propositions de solutions développées par le PNR « Énergie » (chap. 3). Puis il conclut sur les aspects qui semblent particulièrement pertinents pour la transformation du système énergétique du point de vue du PNR « Énergie » (chap. 4) et les recommandations qui en ont été déduites (chap. 5). Le résumé complète six synthèses thématiques qui proposent des informations détaillées sur des thèmes précis. Les propositions de solutions et les recommandations du résumé s’adressent tout particulièrement aux acteurs clés qui ont une influence notable sur le système énergétique et peuvent donc contribuer à le façonner.

Conclusion

Au nombre de plus de 100, les projets de recherche du PNR « Énergie » ont débouché sur des centaines de résultats individuels. Certains d’entre eux ont généré des innovations technologiques, d’autres ont analysé l’environnement économique ou social. Les synthèses disponibles sur le portail Web www.nfp-energie.ch ont regroupé les projets thématiquement connexes et ont permis de dégager de nouvelles conclusions globales. Les paragraphes qui suivent mettent en avant les aspects qui semblent particulièrement pertinents pour la transformation du système énergétique du point de vue du PNR « Énergie ». Il en ressort que les aspects socio-politiques sont tout aussi importants que les considérations techniques pour la transformation du système énergétique; ils constituent la clé qui permet la réalisation des solutions techniques.

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Potentiel inexploité dans le parc immobilier

Le fonctionnement des bâtiments représente près de deux cinquièmes de la consommation d’énergie finale. L’amélioration de l’efficacité énergétique du parc immobilier, c’est-à-dire son assainissement énergétique, constitue par conséquent une pierre angulaire de la Stratégie énergétique 2050. Les surfaces de toiture et de façade des bâtiments offrent en outre diverses possibilités dans le domaine du photovoltaïque, qui restent sous-exploitées jusqu’à présent.

L’assainissement énergétique du parc immobilier est bien trop lent et doit être renforcé.

Le taux de rénovation actuel des immeubles résidentiels et de bureaux ne dépasse pas 1,5 % par an. À ce rythme, la rénovation du bâti ancien prendra jusqu’à la fin de ce siècle, soit beaucoup trop longtemps pour fournir la contribution attendue à la transformation du système énergétique. Ce processus doit être accéléré. Or, les mesures d’encouragement en place s’avèrent insuffisantes à cet effet.

Les façades des bâtiments offrent un potentiel considérable au photovoltaïque.

Le photovoltaïque est une des technologies phares pour la production d’énergie renouvelable. Sa puissance devrait doubler d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, l’exploitation de nouvelles surfaces est indispensable. Alors que la création de parcs photovoltaïques sur des surfaces libres n’est guère populaire en Suisse, les infrastructures (touristiques) existantes et surtout les façades des bâtiments offrent un potentiel approprié. À ce jour, le photovoltaïque intégré aux bâtiments reste toutefois un marché de niche. Cela s’explique par le manque de connaissances des propriétaires de bâtiments et des architectes, l’absence de pression sociale et politique, ainsi que des coûts qui sont encore un peu incertains. En termes d’exigences esthétiques, l’offre de panneaux photovoltaïques satisfait dès aujourd’hui à des critères très élevés pour l’intégration aux bâtiments. L’offre continue d’ailleurs de se développer et de se diversifier, entre autres grâce aux travaux du PNR « Énergie ».

L’énergie hydraulique, entre besoins d’investissement et développement durable

L’énergie hydraulique reste un élément essentiel du futur système énergétique suisse. Elle apporte une contribution conséquente à l’alimentation énergétique, contribue à la sécurité d’approvisionnement et compense les fluctuations dans la production d’électricité. Elle jouit à ce titre d’une large acceptation. Son utilisation pourrait potentiellement être optimisée, mais son extension est strictement limitée par les conditions-cadres économiques et écologiques.

L’énergie hydraulique mérite plus d’attention.

Les besoins d’entretien des infrastructures hydroélectriques existantes sont importants. En raison de diverses incertitudes, les propriétaires des centrales n’effectuent cependant pas les investissements nécessaires. La précarité des rendements à court et moyen terme est ainsi en contradiction avec la perspective à long terme des investissements nécessaires sur plusieurs décennies. Les dispositions de concession en vigueur, impliquant un risque imminent de retour des centrales de leurs propriétaires à leurs concédants, freinent également les investissements.

Les installations hydro-électriques nécessitent une évaluation globale.

L’exploitation de la force de l’eau est foncièrement en conflit avec l’écologie des milieux aquatiques naturels. Pour de nombreuses centrales hydroélectriques, l’assainissement du débit résiduel reste encore à réaliser. En même temps, les dispositions applicables en matière de débits résiduels sont insuffisamment appliquées pour atteindre les objectifs de biodiversité visés. Le recul des glaciers ouvre de nouvelles possibilités de lacs de retenue, mais leur exploitation nécessite une évaluation approfondie de la durabilité. À l’avenir, il ne s’agira cependant plus simplement d’évaluer des installations isolées, mais d’adopter une perspective globale à l’échelle de tout le pays, afin de profiter du potentiel existant là où le rapport entre exploitation énergétique et dégâts écologiques est le plus favorable. Ceci implique également une coordination accrue et la prise en compte de l’ensemble des installations hydroélectriques.

Motiver la population

La transformation du système énergétique est en grande partie un devoir de société. Chacune et chacun est amené-e à y contribuer via les différents rôles qu’elle ou qu‘il peut jouer. Au sein de la population, il existe une disposition à l’action, à condition d’avoir connaissance des possibilités et de pouvoir en tirer profit. À certains égards, le manque d’information et de connaissances est toutefois considérable.

Les comportements sont dictés par les normes sociales.

Que ce soit pour les achats quotidiens, les acquisitions importantes, les investissements ou encore les choix politiques, les critères économiques n’arrivent qu’au second rang des critères de décision. En premier lieu, les choix (de produits) sont influencés par les normes sociales. Souvent, l’acceptation sociale ou le caractère « tendance » sont ainsi décisifs. La question du coût ne se pose qu’ensuite. Ainsi, si les vélos électriques sont considérés comme « cool », la propension à l’achat de ce type de vélos augmente malgré leur prix élevé. Cette appréciation et cette catégorisation sociales jouent un rôle considérable dans la transformation du système énergétique. En effet, elles peuvent être mises à profit pour faire progresser la transformation. Rendre « tendance » les comportements énergétiques pertinents représente par conséquent une stratégie prometteuse, souvent encore sous-exploitée.

Le financement populaire de l’approvisionnement énergétique est source de crédibilité.

Les consommatrices et consommateurs font preuve d’un intérêt considérable pour le cofinancement des sources d’énergie renouvelables destinées à l’auto-approvisionnement. Protégées par la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC) et avec le soutien de fournisseurs d’énergie locaux et régionaux, des entreprises ou des organisations comme les coopératives énergétiques fédèrent ces fragments de financement. La forte identification avec les structures proches des utilisateurs se révèle être un paramètre clé. Elle fait naître une forte acceptation des mesures locales et régionales en matière d’énergie et des investissements dans les infrastructures des sources d’énergie renouvelables. De ce point de vue, les quelque 700 fournisseurs d’énergie locaux et régionaux forment une base importante pour la transformation du système énergétique. Ils bénéficient d’un large soutien et d’une grande crédibilité pour leurs mesures innovantes et leurs investissements dans des infrastructures, même si ces dernières se situent à l’étranger.

Besoin de re-réglementation et de soutien accru

La législation ayant trait à l’énergie, qui va bien au-delà de la Loi sur l’énergie stricto sensu, est encore insuffisamment axée sur le système énergétique de l’avenir. Dans certains domaines, elle freine de ce fait la réalisation de solutions techniques prometteuses. Le manque de coordination entre les différents domaines politiques et administratifs, ainsi qu’au niveau des autorités dans le cadre de la mise en œuvre des missions légales ralentit également la transformation. Les villes et les communes auraient notamment la possibilité de faire progresser plus activement la transformation du système énergétique. Elles disposent à cet effet de divers moyens d’action sur le plan de l’information, ainsi qu‘aux niveaux financier et réglementaire.

La législation ne soutient pas la transformation du système énergétique à sa juste mesure.

Le régime énergétique actuel se caractérise par une juxtaposition des divers vecteurs d’énergie et par une logique de distribution d‘énergie basée sur une chaîne d’approvisionnement unidirectionnelle (production-distribution-consommation). La transformation du système énergétique bouleverse fondamentalement cette situation. Pour compenser les fluctuations de la production des sources d’énergie renouvelables, il est indispensable de surmonter le problème de la séparation des diverses sources d’énergie grâce au couplage sectoriel, par exemple dans le cadre de systèmes multiénergies décentralisés (DMES). L’importance croissante des prosommateurs – des acteurs qui ne consomment pas seulement de l’énergie, mais en produisent aussi de façon décentralisée – modifie aussi totalement la logique de distribution en place. En raison de son approche très sectorielle, la législation énergétique en vigueur n’est pas en phase avec cette nouvelle dynamique. Elle complique ou rend même impossible le recours à diverses technologies disponibles, ainsi que le couplage des technologies et des vecteurs d’énergie. Dans de nombreux domaines, elle freine les bonnes volontés souhaitant faire progresser la transformation du système énergétique. Le passé a montré que chaque régime énergétique a besoin de conditions-cadres réglementaires spécifiques. Les travaux de révision de la législation énergétique qui sont en cours devraient permettre de concrétiser un certain nombre d’adaptations nécessaires. Mais seule une refonte approfondie de la réglementation, bien au-delà de la législation sur l’énergie, fournira les marges de manœuvre nécessaires à l’exploitation de tout le potentiel technologique.

À l’avenir, le système énergétique nécessite davantage de souplesse.

La proportion supérieure d’énergie solaire et éolienne dans le futur système énergétique implique des fluctuations plus importantes de l’offre d’énergie. Une gestion souple des charges doit permettre de compenser ces fluctuations, ce qui implique des défis techniques considérables en matière de pilotage. De plus, le système énergétique doit gagner en flexibilité, aux niveaux spatial et temporel ainsi que sur le plan du mix énergétique. Du point de vue spatial, la souplesse requise peut être assurée grâce à des réseaux de distribution performants. L’extension prévue du réseau suisse de distribution d’électricité est par conséquent nécessaire et doit être réalisée dans cette perspective. Aucun autre aménagement ne semble nécessaire. La souplesse temporelle peut être assurée par des accumulateurs de tous types : lacs de retenue, batteries, réservoirs d’air comprimé, etc. Le couplage des différents vecteurs d’énergie assure la souplesse en termes de mix énergétique, par exemple grâce à la production d’hydrogène ou de méthane de synthèse à partir d’électricité issue d’installations solaires ou éoliennes. La souplesse accrue du système énergétique nécessite des solutions non seulement techniques, mais aussi réglementaires. La structure des taxes d’accès au réseau se traduit par des obstacles économiques partiellement insurmontables pour le couplage sectoriel. Des adaptations réglementaires pourraient fournir les marges de manœuvre nécessaires.

La transformation du système énergétique nécessite une coordination accrue des acteurs publics.

Au sein du système fédéral de la Suisse, dans le contexte de la Stratégie énergétique 2050, tous les échelons gouvernementaux interviennent dans la politique énergétique. Les missions des échelons respectifs peuvent concerner des secteurs opérationnels très variés. Que ce soit sur le plan horizontal ou vertical, les activités de politique énergétique sont toutefois insuffisamment coordonnées. L’amélioration de la coordination de ces activités et pratiques opérationnelles représente un potentiel non négligeable de rendre la transformation du système énergétique plus efficace et plus rapide.

Les villes et les communes disposent d’une grande marge de manœuvre pour participer activement à la politique énergétique.

Les villes et les communes, mais aussi les associations de communes et les régions jouissent d’une grande marge de manœuvre pour participer à la transforma-ion du système énergétique et la faire progresser en termes de planification, d’organisation et de communication. La marge de manœuvre des communes va bien au-delà de la mise en application de la législation énergétique. Dans le cadre des plans d’affectation, elles définissent les conditions-cadres de planification qui permettent par exemple la réalisation d’installations photovoltaïques intégrées aux bâtiments, de systèmes multiénergies décentralisés (DMES) ou d’éoliennes. En tant que (co-)propriétaire d’entreprises locales de fourniture d’énergie, elles peuvent encourager l’introduction de « compteurs intelligents » ou contribuer à améliorer les capacités de production des sources d’énergie renouvelables. Elles peuvent s’appuyer pour cela sur la bonne acceptation de la propriété publique en matière de production d’énergie. Dans le domaine du transport aussi, les villes et les communes jouent un rôle central et disposent de nombreuses compétences. Elles peuvent par exemple contribuer à organiser la livraison des marchandises de façon plus respectueuse de l’environnement ou à convertir les transports publics aux énergies renouvelables. Leur proximité avec la population prédestine les villes et les communes à lui rendre accessible les innovations dans le domaine de l’énergie ou à motiver la population à participer à la transformation par l’intermédiaire d’activités d’information et de formation. Elles peuvent aussi encourager les initiatives d’associations et d’organisations locales, visant à favoriser les comportements d’économie d’énergie par des pratiques innovantes. Soutenus par le gouvernement fédéral, les programmes « Cité de l’énergie » et « Région-Énergie » proposent à cet effet des échanges d’expérience et des outils de gestion pour la planification, la mise en œuvre et l’évaluation d’une politique énergétique communale ou régionale réussie.

Recommandations

La recherche est parfaitement en mesure d’apporter des réponses à des questions isolées et de développer des solutions spécifiques. Des conflits d’intérêts entre les différentes solutions ne sont toutefois pas exclus. L’indispensable examen comparatif des intérêts sur le plan socio-politique et économique ne relève pas des chercheurs. Cette tâche revient bien plus aux instances politiques et à l’électorat.

Les recommandations répertoriées ci-après constituent par conséquent une étape intermédiaire entre la recherche et la mise en œuvre. Elles sont essentiellement basées sur les conclusions des différents projets de recherche et des synthèses thématiques. Dans le cadre d’ateliers, elles ont été débattues et évaluées avec différents groupes d’acteurs et ajustées en fonction de l’expérience de ces derniers.

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Résumé du Programme national de recherche « Énergie »

Suggestion pour la citation
Balthasar, A., Schalcher, H.R. (2020) : Recherche pour l’avenir énergétique de la Suisse. Résumé du Programme national de recherche « Énergie ».
Éd. : Comités de direction des Programmes nationaux de recherche « Virage énergétique » (PNR 70) et « Gérer la consommation d’énergie » (PNR 71), Fonds national suisse, Berne.

DOI: 10.46446/publication_pnr70_pnr71.2020.1.fr

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