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Impression 3D : des matériaux plus efficaces pour les pompes à chaleur d’adsorption

À l’avenir, l’exploitation de la chaleur dissipée avec des pompes à chaleur dites d’adsorption pourrait devenir beaucoup plus systématique qu’actuellement. En effet, grâce à un procédé d’impression 3D, des chercheuses et chercheurs de l’EPF de Zurich, de l’Empa et d’IBM Research ont développé de nouvelles structures de matériaux permettant d’optimiser le fonctionnement de ces installations.

Résumé du projet de recherche « Matériaux pour les échangeurs thermiques à adsorption ». Ce projet s'inscrit dans le cadre du projet conjoint « Utilisation de chaleur avec des pompes chaleur d'adsorption ».
Le microscope électronique rend visible la structure fine du matériau de sorption qui a été produit par impression 3D : les pores de taille variables rendent le matériau nettement plus efficace.
Le microscope électronique rend visible la structure fine du matériau de sorption qui a été produit par impression 3D : les pores de taille variables rendent le matériau nettement plus efficace. ETH Zürich/Carla Minas
En un coup d’œil

En un coup d’œil

  • Jusqu’à présent, les pompes à chaleur d’adsorption demeuraient inefficaces et coûteuses. C’est pourquoi une équipe de recherche de l’EPF de Zurich, de l’Empa et d’IBM Research a mis au point une nouvelle méthode visant à structurer plus intelligemment le matériau de sorption – le centre névralgique d’une telle installation – pour le rendre plus efficace.
  • Les chercheuses et chercheurs ont utilisé, entre autres, un dispositif expérimental spécialement développé et un procédé d’impression 3D. En effet, ce dernier permet d’introduire dans le matériau de sorption de manière ciblée des microstructures, qui jouent un rôle déterminant dans les performances de l’installation.
  • L’équipe de recherche a ainsi élaboré une structure capable de tripler les performances du matériau de sorption.

Produire de la chaleur nécessite beaucoup d’énergie : en Suisse, la moitié de notre consommation totale d’énergie sert à chauffer nos logements et nos bureaux, produire de l’eau chaude sanitaire et alimenter des processus industriels. L’énergie utilisée à cet effet provient encore majoritairement de sources fossiles comme le pétrole et le gaz naturel. Si l’on considère uniquement la consommation d’électricité, 40 % découlent du chauffage de locaux ou de matériaux. Cette situation devra évoluer à l’avenir, car la Stratégie énergétique 2050 requiert non seulement une baisse sensible des émissions de CO2, mais aussi l’abandon de la production d’électricité nucléaire.

Il s’agit par conséquent de trouver des moyens d’utiliser la chaleur plus efficacement. Par exemple, en optimisant la récupération et la réutilisation de la chaleur dissipée. Les pompes à chaleur dites d’adsorption peuvent précisément s’avérer utiles à cet égard. À l’instar des pompes à chaleur à compression couramment utilisées aujourd’hui, elles sont en mesure de puiser la chaleur dans l’environnement et de l’amplifier. Les pompes à chaleur d’adsorption ont certes besoin d’une chaleur motrice d’une température d’au moins 35 à 60°C mais, contrairement aux pompes à chaleur classiques, elles ne consomment presque pas d’électricité. De tels systèmes permettraient, par exemple, d’utiliser la chaleur dissipée par les usines et les centres de calcul ou l’énergie thermique provenant de sources renouvelables telles que les installations solaires thermiques.

Jusqu’à présent, ces installations étaient toutefois relativement peu efficaces et donc coûteuses. Le matériau de sorption utilisé – le centre névralgique d’une pompe à chaleur d’adsorption – est déterminant pour l’efficacité d’une installation. C’est pourquoi une équipe de recherche dirigée par André R. Studart, professeur au Département de recherche sur les matériaux de l’EPF de Zurich, a mis au point une nouvelle méthode de fabrication de ces matériaux de sorption, basée sur un procédé d’impression 3D. « L’impression 3D nous offre un bien meilleur contrôle de la microstructure du matériau que les procédés de synthèse traditionnels », explique M. Studart. Or, c’est précisément cette microstructure qui influence les performances d’un matériau de sorption.

Plus de contrôle grâce à l’impression 3D

Voici ce qui se passe à l’intérieur d’une pompe à chaleur d’adsorption : tout d’abord, la chaleur entrante est utilisée pour vaporiser de l’eau. La vapeur est ensuite dirigée vers un échangeur de chaleur à adsorption pour y être adsorbée et comprimée par un matériau de sorption. Ce processus échauffe encore davantage la vapeur, dont la température continue donc d’augmenter. À ce stade, l’installation a besoin d’un peu de chaleur motrice pour restituer la vapeur d’eau échauffée : dans le langage technique, c’est ce que l’on appelle la phase de désorption. Enfin, la vapeur est recondensée en eau et la chaleur emmagasinée grâce aux processus d’adsorption et de condensation peut être injectée dans un circuit de chauffage.

La rapidité d’action du matériau de sorption dépend de sa structure interne. Cette dernière est parsemée d’une multitude de pores qui influencent la vitesse à laquelle le matériau peut absorber la vapeur d’eau et en quelle quantité. Le nombre, la répartition et la taille des pores sont déterminants.

Un dispositif expérimental adéquat

En guise de base de travail, les chercheuses et chercheurs de l’EPF ont choisi un matériau de sorption à base de silico-alumino-phosphate appelé SAPO-34. Ce matériau et d’autres matériaux similaires à base de silicium sont disponibles dans le commerce et sont, par exemple, utilisés comme agents de séchage. Les petits sachets de gel de silice que l’on trouve souvent dans les emballages d’appareils électroniques en sont une version très répandue.

Afin d’étudier le matériau de base SAPO-34 et les matériaux évolués qui en seront dérivés, l’équipe de recherche a d’abord conçu un nouveau dispositif expérimental. L’objectif était d’analyser précisément l’absorption et la libération de vapeur d’eau, afin de déterminer quels facteurs au sein du matériau influencent l’efficacité du procédé. En effet, l’adsorption et la désorption sont déterminées par deux processus physiques distincts : d’une part un transfert de masse, d’autre part un transfert de chaleur. Le transfert de masse fait référence à la diffusion de molécules d’eau dans le matériau de sorption. Le transfert de chaleur, quant à lui, décrit la conductivité thermique, c’est-à-dire la vitesse à laquelle le matériau peut engranger et dissiper la chaleur convertie pendant les processus de sorption. Grâce à leur nouveau dispositif expérimental, les chercheuses et chercheurs ont pu, pour la première fois, distinguer entre le transfert de masse et le transfert de chaleur au sein du matériau de sorption et déterminer lequel des deux phénomènes limite la vitesse des processus.

Les chercheurs Jens Ammann et Patrick Ruch avec le dispositif expérimental qui leur a permis de caractériser le transfert de chaleur et de masse dans les échangeurs de chaleur à sorption.
Les chercheurs Jens Ammann et Patrick Ruch avec le dispositif expérimental qui leur a permis de caractériser le transfert de chaleur et de masse dans les échangeurs de chaleur à sorption. IBM Research - Zürich

À l’aide d’une caméra infrarouge, ils ont mesuré les températures dans le matériau de sorption et à la surface de l’échangeur de chaleur. Parallèlement, ils ont analysé l’absorption et la restitution de vapeur d’eau en enregistrant les variations de pression. Les chercheuses et chercheurs ont tout d’abord appliqué cette méthodologie à l’examen du matériau de base, le SAPO-34. L’exploitation des résultats des mesures a révélé que si le transfert de chaleur est très efficace dans ce matériau, ce n’est pas le cas du transfert de masse, qui ralentit l’ensemble du processus d’adsorption-désorption.

Un matériau optimal pour l’impression

Le matériau de sorption produit par impression 3D : le microscope électronique (images B à D) met en évidence les différentes microstructures. Les pores les plus grands (B) ont un diamètre de 650 micromètres, soit environ deux tiers de millimètre. Avec le plus grand grossissement (D), les cristaux individuels du matériau deviennent visibles.
Le matériau de sorption produit par impression 3D : le microscope électronique (images B à D) met en évidence les différentes microstructures. Les pores les plus grands (B) ont un diamètre de 650 micromètres, soit environ deux tiers de millimètre. Avec le plus grand grossissement (D), les cristaux individuels du matériau deviennent visibles. Couck et al. 2017

C’est pourquoi, l’équipe de recherche a concentré ses efforts sur l’amélioration du transfert de masse en dotant le matériau d’une structure poreuse spécifique. Grâce à des modèles de structure obtenus par impression 3D, ils ont étudié l’influence de la géométrie du matériau sur la vitesse d’adsorption.

L’équipe a testé diverses émulsions, entre autres avec adjonction d’un polymère synthétique et de méthylcellulose, une substance chimique qui est également utilisée comme colle à papier peint et qui donne à l’émulsion la consistance d’un gel. L’impression 3D des différentes émulsions a produit des matériaux de porosité variable, que les chercheuses et chercheurs ont étudié en les soumettant à diverses expériences. Grâce à des simulations informatiques, ils sont finalement parvenus à déterminer ainsi le matériau de base optimal : une sorte de structure spongieuse dont les canaux sont orientés de façon à faire pénétrer rapidement la vapeur d’eau dans le matériau. Les résultats des mesures ont confirmé l’efficacité du concept : le transfert de masse tout comme le transfert de chaleur sont considérablement améliorés dans le nouveau matériau de sorption.

Application pratique

Les chercheuses et chercheurs ont ensuite mis au point un procédé permettant d’incorporer ces structures de canaux orientés dans le matériau de sorption, pendant que ce dernier est appliqué sur un échangeur de chaleur comme un revêtement. Ceci représente une étape importante pour pouvoir utiliser à l’avenir ce matériau dans des pompes à chaleur d’adsorption. Résultat : le matériau de revêtement ainsi structuré présentait une densité de puissance trois fois supérieure à celle de la version précédente non structurée. En d’autres termes, trois fois moins de matériau et de surface d’échange thermique sont requis dans une pompe à chaleur d’adsorption pour un rendement identique. Les installations deviennent ainsi plus efficaces, mais aussi plus abordables.

« Cette amélioration significative de l’efficacité devrait rendre les pompes à chaleur d’adsorption beaucoup plus intéressantes financièrement à l’avenir », explique M. Studart. Il espère que ces installations se répandront rapidement dans tout le pays. En effet, comme l’a montré une étude réalisée dans le cadre du projet conjoint, cela aurait un impact considérable sur les émissions de CO2 : la mise en œuvre dans quatre scénarios spécifiques testés permettrait à elle seule de réduire la consommation d’électricité de jusqu’à 9 % et les émissions de CO2 de jusqu’à 5 %.

Produits du projet

Contact et équipe

Prof. André R. Studart

ETH Zürich
Vladimir-Prelog-Weg 1-5/10
8093 Zürich

+41 (0)44 633 70 50
andre.studart@mat.ethz.ch

André R. Studart

Direction de projet

Jens Ammann

Adrianna Chitez

Dominique Derome

Clara Minas

Andrea Radu

Patrick Ruch

Xiaohai Zhou

Le contenu de ce site représente l’état des connaissances au 17.12.2018.